Le Breitling Chronomat et les premières montres avec règle à calcul (partie 1 /3)

Breitling
Chronomat. Cliché aimablement fourni par Jean-Marie Combarieu

Le chronographe Breitling Chronomat est une montre emblématique du XXe siècle avec sa fameuse règle à calcul circulaire et son succès commercial remarquable puisqu'elle est toujours fabriquée aujourd'hui, soixante ans après sa création, certes sous une forme un peu édulcorée.
On considère parfois le Chronomat comme le premier chronographe muni d'une règle à calcul, Mimo ayant sorti à la même époque une version non chronographe. Une analyse un peu plus attentive des brevets suisses de la fin des années 1930 révèle en fait que les pionniers en la matière ne sont peut-être pas ceux que l'on croit.
La Fabrique Breitling a été créée en 1884 à St Imier par Léon Breitling. Elle a déménagé en 1892 pour la Chaux-de-Fonds, au 3 rue Montbrillant, et fut alors rebaptisée "G. Léon Breitling SA, Montbrillant Watch Manufactory (1)". Tout comme Heuer ou Léonidas, Breitling était un spécialiste du chronographe et, bien que ne fabriquant pas ses mouvements, la société n'a cessé d'apporter des améliorations et des innovations aux montres qu'elle commercialisait.
Publicité Breitling de 1906. On remarque le compteur "Vitesse" dont l'aiguille fait un tour en 4 mn.
Ainsi la fabrication en 1915 du premier chronographe-bracelet avec poussoir "à 2h", position plus naturelle qu'à 3 ou 6h pour une montre bracelet, ou encore celle en 1933 du premier chronographe 2 poussoirs permettant de ce fait une reprise du chronométrage après arrêt, ce que ne permettaient pas les chronographes monopoussoirs.
Le Breitling Chronomat est apparu en 1941 (2). C'était une période faste pour l'horlogerie suisse. Malgré le deuxième conflit mondial les commandes affluaient en provenance des Etats-Unis, du Canada ou de l'Amérique du Sud (3).
C'était aussi et surtout un âge d'or pour le chronographe : la demande était forte et les nouveaux modèles sortaient à un rythme soutenu, du fait soit de la mise à disposition de nouveaux mouvements par Ebauches SA, qui fabriquait les ébauches Vénus et Landeron auxquelles vinrent s'ajouter celles de valjoux en 1944, soit du développement de montres et calibres par des sociétés indépendantes comme Angélus ou Universal.
L'originalité du Breitling Chronomat tient à sa règle à calcul circulaire, actionnée par une lunette mobile autour de la boîte. La montre était bien dans son temps : au militaire elle permettait des calculs télémétriques ou balistiques, au sportif elle permettait des calculs de vitesse et de moyenne, à l'ingénieur des calculs de rendement ou de production, à l'agent commercial des calculs de taxes et de taux de change. C'était d'autre part un chronographe, muni d'un calibre Vénus 176 de 14 lignes, qui autorisait donc les fonctions classiques de chronométrage.

La sortie en 1941 du Chronomat fit l'objet dans les revues professionnelles horlogères d'une campagne de publicité sans précédent. Il y eut en particulier dans le Journal Suisse d'Horlogerie une quadri-page en 2 couleurs, avec une mise en scène originale pour l'époque, dont une page complète destinée au mode d'emploi.
Dès 1941 le Breitling Chronomat fut concurrencé par une autre montre, non chronographe, la Mimo "Loga" (4).
Graef et Cie, Fabrique Mimo (Manufacture Internationale de Montres en Or) a été créée en 1889 à La Chaux-de-Fonds par Otto Graef (5). C'était une fabrique innovante dans le domaine de la montre bracelet et on lui doit par exemple en 1930 la première montre de série avec date par guichet à 3h, la Mimomètre, ou un élégant chronographe rectangulaire de 1936, le Mimolympic. En 1940 le fondateur, alors âgé de plus de quatre-vingts ans, confia l'entreprise à ses fils Willy et Paul et l'entreprise se rapprocha de Girard-Perregaux. On peut d'ailleurs trouver la Mimo Loga sous cette dernière marque (6).

La Mimo Loga, extrait du Mimo Journal, n°3, Octobre 1941
Le mode d'emploi de la Mimo Loga (Mimo Journal n°3)
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Annotations :
(1) Benno Richter, Breitling, Editions Schiffer, 1995 (2ème édition), p.11
(2) Journal Suisse d'Horlogerie, 1941, p.265
(3) Pour la situation de l'horlogerie suisse pendant la deuxième guerre mondiale voir en particulier : François Jequier, Une entreprise horlogère du Val-de-Travers, Fleurier Watch Co., Editions de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Neûchatel, 1972, p.209 et suivantes.
Journal Suisse d'Horlogerie, 1941, p.271
(4) Journal Suisse d'Horlogerie, 1941, p.271
(5) Kathleen Pritchard, Swiss Timepiece Makers, Editions Phoenix, 1997, vol. 1, p. G 64
(6) Gisbert L. Brunner et Christian Pfeiffer-Belli, Montres-bracelets, Editions Könemann, 1999, p.174
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